UNIVERSIDAD DE BANGUI
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REPÚBLICA CENTROAFRICANA
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FACULTAD DE LETRAS Y
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Unidad - Dignidad - Labor
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CIENCIAS HUMANAS
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DEPARTAMENTO DE
ESPAÑOL
N° 02
.
Les romans a structure brisée.
Contribution des auteurs latino-américains contemporains à l’évolution du genre
romanesque hispano-américain
Dr PANGUERE Jean Michel
Boletín
informativo de la sección hispánica
Les romans à structure brisée. Contribution des
auteurs latino-américains contemporains a l’évolution du genre romanesque
hispanO-AMERICAIN.
Dr. PANGUERE JEAN - Michel
Universidad de BANGUI - RCA
A la fin du millénaire écoulée, la
littérature hispano–américaine en général et le genre romanesque en
particulier, s’était bien souvent distinguée par son dynamisme. Nous en voulons
comme témoignage les nombreuses récompenses obtenues, les traductions multiples
dans plusieurs langues comme l’anglais, l’arabe, le français, le russe, le
japonais et les publications, en concomitance, de ces romans sur plusieurs continents par les
grandes maisons d’édition. Les prix nobels décernés à quelques auteurs du
continent latino-américain, sont la marque du couronnement de la créativité de
ces hommes qui veulent se démarquer du moule séculaire dans lequel était
enfermé le roman hispano-américain. Les nombreux articles critiques rédigés et
publiés dans des revues littéraires mondialement diffusées nous édifient sur la
qualité des romans primés.
Cette créativité se note parfois,
dans la thématique développée par ces auteurs contemporains qui mettent en
exergue l’exubérance de leur milieu naturel ou l’aridité de la région où ils
veulent bien fixer leurs fictions narratives. Lorsque le lecteur se trouvent
confronter à des réalités comme celles des gauchos ou celles des caciques,
des cristeros
ou mieux encore des mojados,
il ne peut se référer qu’à des réalités sociales propres à ce continent à
multiple facettes. Nous conviendrons que l’immensité du continent latino–américain
nous réserve bien souvent des tableaux saisissant de beauté où le lecteur croit
se retrouver dans un environnement proche de celui du jardin d’eden. De temps à
autre la désolation du paysage ou l’aridité des terres sur lesquelles se
meuvent les personnages, nous rappelle que ce continent n’est pas toujours
paradisiaque. Loin de se confiner dans un régionalisme primaire, ces auteurs ont
su placer leurs personnages dans un cadre qui est devenu une identité
remarquable. Les thèmes développés touchent à l’universel, de telle sorte qu’un
lecteur qui plonge dans un roman hispano–américain contemporain n’est pas du
tout dénaturé.
Ce qui a surtout retenu notre
attention dans les romans hispano-américains contemporains, c’est l’ingéniosité
que d’aucun note dans la composition de ces œuvres romanesques. Chaque roman
est pensé, conçu et rédigé comme une œuvre d’art. Les écrivains
latino-américains de la fin du XXème siècle se sont ingéniés à créer
des romans avec des structures de plus en plus alambiquées, de plus en plus
complexes, sollicitant par ce fait une grande participation du lecteur. Pour
comprendre le roman, le lecteur doit jouer un rôle actif et non pas passif.
C’est ainsi que nous sommes arrivé à nous demander si les romans à structure
brisée n’étaient pas devenus une spécificité du roman latino-américain en
général et plus particulièrement du roman mexicain ? Afin d’étayer notre
sollicitude, nous nous sommes appuyé sur quatre romans fort connus d’auteurs,
tous mexicains, qui présentent des structures complètement différentes les unes
des autres. Nous voulons évoquer Manifestación
de Silencios[1],
La casa de las Mil Vírgenes[2] de
Arturo Azuela, Pedro Páramo[3] du célèbre
Juan Rulfo et La muerte de Artemio Cruz[4] de
Carlos Fuentes.
I – La structure de Manifestación
de silencios
C’est
un roman dont la lecture semble chaotique et hermétique de prime abord. Le
lecteur est tout au long du roman ballotté entre deux plans de narrations
distincts et les fréquentes prolepses[5] et
analepses[6] ne
viennent pas arranger les choses. C’est pourquoi dans un souci de méthodologie
et de plus de clarté, nous avons choisi de présenter tout d’abord la structure
de la première partie et ensuite celle de la deuxième partie.
I
– I Structure de la
première partie
En analysant ce roman de Arturo Azuela, nous avons observé
qu’il existait en fait deux plans de narration parallèles qui sont consacrés à
deux des personnages principaux du roman, à savoir Gabriel et José Augusto Banderas. Le premier
personnage cité est tout spécialement revenu au Mexique pour faire la lumière
sur une affaire de crime passionnel
commis par son ami José Augusto
Banderas dans un moment de folie ; l’autre redoutant la justice de son
pays sera contraint de fuir à travers le monde grâce à des complicités dont il
bénéficie. C’est ainsi que tour à tour, il se retrouvera au Chili, aux Etats
Unis d’Amérique, en Espagne, en France et ensuite en Grande Bretagne.
Le lecteur est ainsi obligé, surtout
dans la première partie, de subir le mouvement de va et vient entre les deux
plans de narration parallèles car de nouveau le narrateur hétérodiégétique
textuel aura agencé les chapitres du roman de telle sorte que si l’un est dédié
à Gabriel qui se trouve au Mexique, le suivant sera consacré à José Augusto Banderas qui lui, se
trouvera quelque part dans le monde. La distribution des chapitres est si
régulière que nous pouvons nous aventurer à faire sans peine, une
représentation graphique de la structure de la première partie pour étayer nos
assertions. A côté des deux personnages
principaux à qui l’écrivain consacre des plans de narration, nous retrouverons
des personnages qui eux, se trouvent à México et à qui le démiurge a réservé quelques chapitres pour
éclaircir la narration. Laura par exemple, l’amie intime de José Augusto sera celle qui donnera au
narrataire l’information sur une lettre expédiée par José Augusto Banderas à sa mère et que celle –
ci ne lira jamais.
Buenaventura, lui nous donnera de plus amples
informations sur la Chappe de plomb qui s’est abattue sur les étudiants mexicains
après les grèves de 1968.
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Laura _
*
Buenaventura_
*
J.A.Banderas_ _ _ *
_ _ __ * _ _ _ _* _ _ _ _ _* _ _ _ _ _ _ _ _ * _ _ _ _ _ * _ _ _ _ _ _ * _ _
















I – II
Structure de la deuxième partie
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|||
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Gabriel _ _ _ _ _ _ _ _ _
* _ _ _* _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ * _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _*
Cristobal *
Laura * *
*
Buenaventura * * *
J.A.Banderas _ * _ _ _ _ _* _ _ _ _ _ _ _ * _ _ _ * _ _ _ _
_ _ _ * _ _ _ _ _ _ _ * _ _* _ _ _
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1 2 3
4 5 6
7 8 9
10 11 12
13 14 15
16 17 18
II – La structure de la
casa de las mil vírgenes
Si nous nous restreignons à Arturo Azuela, nous constatons que celui-ci
récidive dans l’utilisation de la structure brisée dans son oeuvre romanesque
car si nous prenons La casa de las mil vírgenes, nous constaterons que
la lecture semble chaotique. La simple lecture de la table des matières peut
nous donner de précieuses indications. Tout comme dans le précédent roman que
nous venons d’examiner, nous aurons des chapitres qui seront uniquement
consacrés à un personnage capital du roman : il s’agit de Aliba el bolero. Nous aurons des chapitres numérotés de un à huit qui lui
seront dédiés, à raison de deux chapitres par parties, sur une œuvre romanesque
qui en compte quatre.
Ensuite nous aurons une série de
chapitres qui feront référence à des dates bien précises. Il y en aura tout au
plus quatre que l’auteur a intitulé : Intermède. L’intermède
un se situera au mois de mai mil neuf cent quarante–cinq, l’intermède deux qui
se trouve dans la deuxième partie du roman aura lieu au mois d’octobre mille
neuf cent cinquante–quatre, l’intermède trois dans la troisième partie, au mois
de septembre mille neuf cent soixante et un et l’intermède quatre, le dix juin
mille neuf cent soixante–onze.
Nous aurons par la suite une série
de chapitres numérotés normalement de un à cinq dans chaque partie du roman et
comme celui-ci compte quatre parties, il est évident que nous totaliserons
vingt chapitres que nous qualifierons de classiques. Entre les chapitres datés
faisant référence à des événements historiques précis, les chapitres consacrés
au personnage pittoresque de Aliba et les chapitres classiques traitant de la Casa
de las Mil Vírgenes et du groupe
d’amis qui la fréquente, le lecteur non averti aura fort à faire. Les prolepses
et les analepses ajouteront une touche de confusion et de non linéarité dans
l’esprit du lecteur qui ne sera pas habitué à cette forme de narration peu
répandue qui tend à devenir une spécificité du nouveau roman hispano-américain.
Mademoiselle Thiébaut Stéphanie en
procédant à une étude du temps dans la même œuvre romanesque a tenté de percer
le secret de cette structure énigmatique que nous propose Arturo Azuela. Pour parvenir à fixer la
chronologie du temps dans ce roman, elle a adopté une méthode qui est toute
simple qui consiste à partir de la seule date complète figurant dans le
chapitre III de la quatrième partie afin de dater les autres chapitres du
roman. En cela elle est également aidée par les dates incomplètes ou
volontairement confuses que l’auteur nous donne tout au long de la narration
comme : C’est l’après midi du dernier vendredi du mois de novembre…par
exemple à la page deux cent seize, ou Cette nuit d’un jeudi du mois de
novembre…à la page cent trente-quatre.
Par rapport aux recherches qui ont
été effectuées sur le temps dans cette fiction narrative, nous remarquerons que
l’histoire s’étend sur une semaine : c’est–à–dire du lundi 24 novembre 1952 au lundi 1 décembre de la
même année. Voici comment cette dernière nous présente la chronologie du temps
dans La casa de las mil vírgenes :
Ira Parte: en el umbral


Aliba [
1 ], p.19 Junio de
1983
Cap. II, p.28 Martes de noviembre (de 1952) [ día 25 ]
Intermedio
1, p. 35 Mayo de 1945
Cap.
III, p.43 Martes de noviembre
(de 1952) [ día 25 ]
Aliba [
2 ], p.51 Junio de
1983
Cap.
IV, p.60 Miércoles de
noviembre (de 1952) [ día 26 ]
Cap. V, p.68 Miércoles de noviembre (de 1952) [ día 26 ]
IIa
Parte : Qué suerte la mía
Cap.
I, p.77 Miércoles de
noviembre (de 1952) [ día 26 ]
Aliba [
3 ], p.87 Junio de
1983
Cap.
II, p.94 Jueves de noviembre
(de 1952) [ día 27 ]
Intermedio 2,
p. 103 Octubre de 1954
Cap.
III, p.112 Jueves de noviembre
(de 1952) [ día 27 ]
Aliba [
4 ], p.126 Junio de
1983
Cap.
IV, p.132 Jueves de noviembre
(de 1952) [ día 27 ]
Cap.
V, p.140 Jueves de noviembre
(de 1952) [ día 27 ]
IIIa
Parte: Entre el paraiso y el infierno
Cap.
I, p.149 Viernes de noviembre
(de 1952) [ día 28 ]
Aliba [
5 ], p.159 Junio de
1983
Cap.
II, p.167 Viernes de noviembre
(de 1952) [ día 28 ]
Cap.
III, p.174 Viernes de noviembre
(de 1952) [ día 28 ]
Intermedio 3,
p. 185 Setiembre de 1961
Cap. IV, p.196 Día no mencionado : ningún indicio
temporal preciso, salvo p.202 : “ Y esa última semana de noviembre”.
Aliba [
6 ], p.205 Junio de
1983
Cap. V, p.214 Viernes
de noviembre (de 1952) [ día 28 ]
IVa
Parte: La última jugada
Cap.
I, p.225 Sábado de noviembre
(de 1952) [día 29]
(Precisión
del año)
Aliba [
7 ], p.235 Junio de
1983
Cap.
II, p.244 Sábado de noviembre
(de 1952) [ día 29 ]
Intermedio 4,
p. 255 10 de junio de 1971


(Fecha
completa)
Cap.
IV, p.275 Lunes 1 de diciembre
de 1952
Cap.
V, p.282 Lunes 1 de diciembre
de 1952
Aliba [
7 ], p.235 Junio de
1983
Durante la lectura,
notamos que está salpicado el texto de numerosas retrospecciones y prospecciones
(1), emitidas por el narrador [ ... ] por su carácter oscuro, estas vuelven la
lectura de los acontecimientos aún más complicada.[9]
Nous
partageons la méthode employée par mademoiselle Stéphanie Thiébaut pour fixer
la chronologie de la fiction narrative à partir des points de repères qui sont
fournis par le narrateur dans l’œuvre romanesque. Nous ne reviendrons pas sur
les chapitres intitulés « Intermedio » car ils comportent déjà des dates qui ont été précisées
par l’auteur. Par contre nous choisirons quelques exemples pour montrer
pourquoi les chapitres consacrés à Aliba
se situent en 1983 et pourquoi les autres chapitres courent du lundi 24
novembre au lundi 1 décembre 1952. Nous ne reviendrons pas non plus sur tous
les chapitres dédiés à Aliba
car cela rendrait le travail fastidieux. Voici une citation dans laquelle il
est fait mention de l’année :
Sin acudir a criticas,
insultos o reparos, abandonados en las butacas, entre la venta de pistaches y de
muéganos y con los viejos olores a orines y desinfectantes, llegaríamos a un
acontecimiento categórico : La Ilusión viaja en Tranvía es una obra espléndida de la época de oro
del cine mexicano.
Esa noche de junio de
1983, quizá como nunca desde hacía treinta años, otra vez quise vivir en la
calle del Pino –hoy doctor Atl– en el costado oriente de la Alameda de Santa
María la Ribera...[10]
Pour
démontrer que les autres chapitres se déroulent en mille neuf cent cinquante –
deux, nous allons choisir une autre citation du roman où le narrateur nous
donne ce repère chronologique nécessaire pour situer le lecteur :
Por fin, después de un
largo descanso –primero en el hospital hasta esperar la suerte del Tiliches y
luego en su casa del Naranjo – el viejo Federico volvió a las calles de Santa
María aquel último sábado de noviembre de 1952.[11]
De
prime abord c’est un roman dont la lecture n’est pas du tout facile, mais en
l’examinant minutieusement nous pouvons découvrir que l’articulation de ce
roman obéit à des critères mathématiques. Voici le schéma de la structure du
roman que nous avons établi après avoir méticuleusement examiné le roman de Arturo Azuela :









- Capítulo
III
- Aliba
( 2 ) Junio de 1983
- Capítulo
IV
- Capítulo V









- Capítulo
III
- Aliba
(4 ) Junio de 1983
- Capitulo
IV
- Capítulo V


- Capítulo I








-
Intermedio ( 3 )
- Capítulo IV
- Aliba
( 6 ) Junio de 1983
- Capítulo
V


- Capitulo II






- Capítulo
III
- Capítulo
IV
- Capítulo
V
-
Aliba ( 7 ) Junio de 1983
Structure de la Casa de las mil vírgenes présentée sous la forme de l’arbre du célèbre
linguiste américain Noam Chomsky.[12]
Cet éclairage nouveau, nous permet
de constater toute l’énergie considérable et l’incroyable imagination que
l’auteur a dépensé pour composer la structure fort originale de e roman qui fera travailler la matière grise de
plusieurs générations de lecteurs dans le monde entier car ce roman primé a été
traduit dans divers langues. L’observation de l’arbre de Chomsky nous laisse apparaître que « La casa de las mil vírgenes » se
découpe en quatre parties méticuleusement réparties et identiques. Chaque partie comprend cinq chapitres, deux parties intitulées Aliba et une partie intitulée Intermedio. Ce qui en définitive veut
dire que le roman est subdivisé en :
-
20 Chapitres
-
4 parties intitulées Aliba
-
4 autres intitulées Intermedio.
Ainsi nous pouvons aisément conclure que La casa de las mil vírgenes
de Arturo Azuela constitue bien un puzzle narratif qui oblige le lecteur à une
lecture vraiment participative. Durant tout le roman, il distille des bribes
d’informations qui après recoupement peuvent aider le lecteur à situer à quelle
période l’auteur a voulu placer sa fiction narrative.
S’agissant du temps dans la fiction
narrative de Arturo Azuela,
nous ne saurons passer sous silence les travaux que le Professeur Guy Thiébaut
a justement rédigé sur la structure de La casa de las mil vírgenes.
Beaucoup plus fortement structuré que le premier roman, La casa
de las mil vírgenes fonctionne sur trois niveaux temporels. Le premier, qui
couvre la dernière semaine du mois de novembre 1952, avant l’entrée en fonction
du nouveau Président de la République, Adolfo Ruiz Cortines, relate les aventures d’une bande d’adolescents
vivant dans le quartier de Santa María
de la Ribera. Le second niveau, marqué dans chaque partie par le chapitre
intitulé « Intermedio »,
met en rapport les trajectoires personnelles de certains de ces personnages
avec les grands événements nationaux et internationaux qui jalonnent le passage
de leur enfance à l’âge adulte. Enfin, de manière systématique, le troisième
registre temporel est consacré à la narration d’Aliba, qui occupe deux chapitres dans
chacune des quatre parties du roman : cet espace romanesque important
envisage l’évolution de la casa, lieu mythique, depuis sa fondation au début du
siècle jusqu’en juin 1983, terme du roman qui coïncide pratiquement avec sa
parution.[13]
Comme nous pouvons le constater, la
présente œuvre de Arturo
Azuela que nous étudions en ce moment se révèle beaucoup plus complexe que nous
l’aurions imaginé car en tant que roman à structure brisée, sa spécificité
réside sur le fait que trois niveaux temporels puissent coexister dans un seul
et même roman. Le schéma que nous avions établi sur la structure de ce roman
met bien en exergue les trois niveaux temporels dont parle le Professeur
Thiébaut dans sa thèse de Doctorat d’Etat. Nous n’aurons pas grand chose à
ajouter à cette analyse qui est suffisamment claire et peut aider ceux qui ont
l’intention de lire et comprendre ce roman particulier.
En observant La casa de las mil vírgenes et
Manifestación de silencios qui
sont tous deux des romans à structure brisée, nous remarquons qu’il n’y a pas
une méthode unique pour aboutir à cette forme de création narrative au niveau
du style. Le premier roman s’appuyait sur deux plans de narration parallèles et
le second sur trois niveaux temporels. Lorsque nous élargissons notre analyse
au nouveau roman hispano-américain, nous allons découvrir d’autres auteurs qui
vont redoubler d’ingéniosité pour mettre à la disposition des lecteurs, des
œuvres remarquables par la complexité de leurs structures.
III
–
La structure de La muerte de Artemio
Cruz
Tout comme Manifestación de
silencios ou La casa
de las mil vírgenes, La
muerte de Artemio Cruz de Carlos Fuentes présente une structure fort
originale qui dénote un formidable sens de créativité chez cette auteur
hispano-américain. Il faut voir que la particularité de la structure de ce
roman est liée à l’utilisation que Carlos Fuentes fait des trois premiers
pronoms personnels singuliers pour mener à bien son récit. Ces trois premiers
pronoms personnels singuliers rappelons-le, « je, tu et il »,
renvoient à une seule et même personne qui est le tout puissant Artemio Cruz qui se trouve agonisant dans
une chambre d’hôpital à Mexico. Cette trilogie que nous décelons en ce qui
concerne ce personnage, n’est pas sans nous rappeler le triptyque chrétien qui
nous présente Dieu sous la forme de trois personnes : le père, le fils et
le saint esprit d’où le concept de la trinité. Artemio Cruz par sa richesse et son pouvoir veut égaler Dieu sur
terre mais il finira tout de même par mourir en abandonnant le pouvoir, la
richesse et la gloire malgré tous les bons médecins qu’il a pu réunir à son
chevet.
Le roman est composé d’une succession de fragments non numérotés rédigés
tantôt à la première personne du singulier, tantôt à la deuxième ou troisième personne
du singulier. Ces fragments sont présentés soit au présent de l’indicatif, soit
au passé simple ou au futur et auront une signification bien précise. A ce
sujet, le critique littéraire Reeve
écrira que :
La segunda obra, La muerte de Artemio Cruz comparte
con Stout y Mc Carthy el uso de varias personas, cada una de las cuales sigue la
vida de Artemio Cruz. El “yo”, narrado en el tiempo presente pinta a Cruz en su
lecho de muerte; las secciones empleando el tú en el futuro son su conciencia,
y el “él” narrado en tiempo pasado recuerda doce días importantes de su vida.
Cada una de las tres personas se alternan durante toda la novela, hasta la
muerte de Cruz en una sección usando el “tú”.[14]
Ce roman, comme nous l’avions souligné, a suscité un réel engouement dans
le domaine littéraire, à tel point que beaucoup de critiques littéraires ont eu
à cœur de rendre moins opaque l’esthétique de ce roman. C’est ainsi qu’ils
s’intéresseront à la régularité de ces fragments en je, tu, il,
et dénombreront exactement le nombre de fragments qui composent le roman. A la
suite de ces travaux, ils aboutiront à une bonne compréhension de la
composition textuelle et l’agencement des séquences dans le roman. Les analyses
de Fernando Moreno sont assez pertinentes et suffisamment claires pour que nous
songions à en citer une partie dans nos travaux afin de bien faire voir que ces
romans à structure brisée obéissent à une logique cartésienne.
Le texte est composé de 38 séquences no numérotées mais séparées par
un blanc typographique. Chacune de ces séquences commence, comme nous l’avons
vu, par un des trois pronoms personnels et l’ordre de succession je, tu, il,
est conservé.
Le texte se trouve donc organisé en 12 ensembles tripartites (avec
un total de 36 séquences), auxquels il faut ajouter un treizième ensemble
incomplet, formé par deux brèves séquences débutant par le je et le tu
se rapportant au présent de la narration (le 10 juillet 1959).
(…) Rappelons ces douze fragments et la date à
laquelle se situent les événements racontés :
1.
1941 : 6 juillet 7. 1915 : 22 Octobre
2.
1919 : 20 mai 8. 1934 : 12 août
3.
1913 : 4 décembre 9.
1939 : 3 février
4.
1924 : 3 juin 10. 1955 : 31 décembre
5.
1927 : 23 novembre 11. 1903 : 18 janvier
Nous constaterons que les fragments comportant des
dates précises ne sont pas classés dans l’ordre chronologique, dans le
déroulement du récit. La majorité des critiques littéraires ont attribué cela à
la mémoire défaillante de ce personnage qui lui ramène à l’esprit des séquences
de souvenirs bien précis. Le lecteur peut parfois se retrouver à l’époque de la
Révolution Mexicaine ou celle des Cristeros
ou encore pendant la guerre civile de mille neuf cent trente six en Espagne. Nous
allons proposer la représentation graphique que le critique littéraire fait de
l’organisation temporelle du roman.


1900

1910
3



1920



4

1930
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9
1940
1
6
1950
10

1959 Le 10
avril TEMPS DU RECIT [16]

La narration à la première personne est faite par un narrateur autodiégétique ou tout
simplement le narrateur en première personne. C’est en outre l’instance
narratrice qui s’identifie à un personnage en s’impliquant dans la narration
sous la forme du pronom personnel Je.
Nous pensons bien évidemment
qu’il faille établir une distinction entre le narrateur en première personne
qui retrace la vie d’un auteur en s’appuyant sur des faits vécus, que nous
classerons comme étant un narrateur
autobiographique et le narrateur autodiégétique qui lui est un personnage d’une
œuvre de fiction narrative qui a la charge de raconter sa propre histoire. Mais
laissons de préférence le soin à Sánchez – Rey Alfonso de nous donner une
définition précise de ce narrateur:
Es un tipo de narrador
homodiegético que se caracteriza por ser el protagonista del relato el que
cuenta su propia historia. Es lo que en la literatura no ficticia llamaríamos narrador
autobiográfico.2
Par contre certains
critiques littéraires affirment que le narrateur à la première personne n’est
pas la primauté des auteurs hispano – américains. Nous citons en exemple un
excellent article rédigé par Jaroslav FRYCER qui, en se penchant sur la
question affirme ceci :
A partir de 1960 à peu près, nous
assistons à une invasion massive du « Je » narrateur dans le roman et
la nouvelle : une simple expérience de lecteur indique que cette tendance
est en France peut être plus prononcée que dans d’autres littératures
européennes. Du point de vue gnoséologique, l’utilisation du « Je »
narrateur peut être définie comme un moyen poursuivant le but d’augmenter
l’authenticité du message littéraire.[17]
Conclusion
A l’issue de nos travaux de
recherches, nous pouvons sans ambages,
nous risquer à affirmer sereinement que les romans à structures brisées constituent
inéluctablement une forme de déstructuration du temps chronologique de la
narration. Nous faisons remarquer que la panoplie restreinte, selon notre
volonté, d’auteurs appartenant à la littérature hispano-américaine qui ont fait l’objet de notre étude critique sont
parvenus à cette innovation grâce à l’utilisation judicieuse de certains
recours stylistiques comme le récit
répétitif[18] ou la répétition
discursive qui a le mérite d’empêcher le lecteur de perdre le fil du récit. Nous
n’oublierons d’évoquer l’analepse, aussi dénommé flash back au cinéma et l’anticipation également dénommé prolepse
qui permet à l’auteur de parler d’un événement
qui se produira dans le futur, plusieurs chapitres plus loin. Il y a
aussi l’anacronie[19] qui
introduit plusieurs niveaux dans le
temps du récit. L’introduction d’une narration avec trois séquences
commençant par Je, Tu, et Il, comme dans
la muerte de Artemio
de Cruz de Carlos Fuentes.[20]
Esta segunda persona ha sido llamada por un critico “ un coro admonitorio”,
y por el mismo Fuentes, como el” subconsciente” que se aferra a un porvenir que
el “yo” – el viejo moribundo – no alcanzará a conocer a conocer”. En algunos
casos el uso del “tú” puede informar al lector sobre los sucesos del pasado que
no han sido cubiertos en los doce días significativos de las partes del “él”, o
pueden contener ensayos breves sobre Méjico, su sociedad, religión y costumbres.[21]
En outre, avec l’avènement, au siècle dernier, des romans à structure
brisée, nombreux sont les critiques littéraires qui admettent que le lecteur du
nouveau roman hispano – américain n’est plus confiné à un rôle passif car il
doit s’évertuer à démêler l’écheveau que constitue le puzzle narratif que
l’auteur s’est ingénié à concevoir tout spécialement à son intention. Il
devient alors actif afin d’accéder à une meilleure compréhension du roman.
BIBLIOGRAFIA
[1] Azuela, Arturo : Manifestación
de Silencios
Seix Barral, S.A., Barcelona, 1980, 331p.
2 Azuela, Arturo : La casa
de las mil vírgenes
Editorial Joaquín Mortiz S.A., Barcelona,
1983, 302p.
3 Fuentes, Carlos : La
muerte de Artemio Cruz
Edición de José Carlos González Boixo,
2000, Madrid, España, 417 p.
4 Giacoman, Helmy F. : Homenaje a Carlos Fuentes
Anaya, Madrid, España, 1971, 494 p.,
p. 82
5 Gerard Genette :
Figure III
Edition du Seuil, Paris, France, 1972, 292
P., P 105
6 Jaroslav Frycer : Réflexion sur la fiction in Figures, jeux de fiction
C.C.R. sur l’image, le
symbole, le mythe, Dijon, France, 1983,119p. p.37
7 Jean – Michel
PANGUERE : Temps et Histoire
dans l’œuvre de Arturo Azuela
Thèse
de Doctorat Nouveau Régime, Université de Bourgogne, France, 2003, p.163, 500 p. T.I
8 Moreno,
Fernando: Carlos Fuentes. La muerte de Artemio Cruz,
entre le mythe et l’histoire
Editions
caribéennes, Paris, 1989, p. 59 – 61
9 Milagros Ezquerro :
Théorie et Fiction, Le nouveau roman
hispano- américain.
Imprimerie SACCO, Toulouse, France,
1983, P. 39 – 40
10 R.
M. Reeve : Carlos Fuentes y el
desarrollo del narrador en segunda persona : un ensayo exploratorio
en “Homenaje a Carlos Fuentes” de Helmy F.
Giacoman, P. 85
11 Rulfo, Juan : Pedro Páramo
catédra, Letras hispánicas, Madrid,
2000, 188p.
12 Sánchez
– Rey, Alfonso : El lenguaje
literario de la nueva novela hispánica
Editorial MAPFRE, 1951, 368 p., P.76
13 Thiebaut, Stéphanie : El
tiempo en La casa de las mil vírgenes
Tesina 1996, Université de Bourgogne,
p.
14 Thiébaut, Guy : La contre-révolution
mexicaine, Histoire, littérature et société, l’exemple du roman cristero de
1926
à nos jours.
Thèse de Doctorat d’Etat,
Université Charles de Gaulle de Lille III, Janvier 1993, T.III, p.970, 228 p.
Mots clefs
Romans à Structure
brisée _ Nouveau roman hispano – américain _ Narrateurs
Seix
Barral, S.A., Barcelona, 1980, 331p.
[2] Azuela, Arturo : La casa
de las mil vírgenes
Editorial Joaquín
Mortiz S.A., Barcelona, 1983, 302p.
[3] Rulfo, Juan : Pedro
Páramo
catédra, Letras hispánicas, Madrid,
2000, 188p.
[4] Fuentes, Carlos : La
muerte de Artemio Cruz
Edición de José
Carlos González Boixo, 2000, Madrid, España, 417 p.
[5] Gerard Genette : Figure
III
Edition
du Seuil, Paris, France, 1972, 292 P., P 105
[6] Gerard Genette : O.C. P. 90
Thèse de Doctorat
Nouveau Régime, Université de Bourgogne,
France, 2003, p.163, 500 p. T.I
[8] Jean – Michel PANGUERE : O.C. p.173, 500 p.173, 500p. T.I
Tesina 1996, Université de
Bourgogne, p.
[10] Azuela, Arturo: Op. cit., p. 300
[11] Azuela, Arturo: Op. cit. p. 227
[12] Jean – Michel PANGUERE : Temps et Histoire dans l’œuvre de Arturo
Azuela
Thèse
de Doctorat Nouveau Régime, Université de Bourgogne, France, 2003, p.192, 500p.
[13] Thiébaut, Guy :
La contre-révolution mexicaine, Histoire, littérature et société, l’exemple
du roman cristero de
1926
à nos jours.
Thèse de Doctorat d’Etat,
Université Charles de Gaulle de Lille III, Janvier 1993, t.III, p.970, 228 p.
[14] Giacoman, Helmy F. : Homenaje
a Carlos Fuentes
Anaya, Madrid, España, 1971, 494 p.,
p. 82
[15] Moreno, Fernando: Carlos Fuentes. La muerte de Artemio Cruz,
entre le mythe
et l’histoire
Editions caribéennes, Paris,
1989, p. 59 – 61
[16] Moreno, Fernando : O. C.
P.62
2 Sanchez – Rey Alfonso : Op. Cit.
p. 359
[17] Jaroslav Frycer : Réflexion sur la fiction in Figures, jeux de
fiction
C.C.R. sur l’image, le
symbole, le mythe, Dijon, France, 1983,119p. p.37
Editorial MAPFRE, 1951, 368 p., P.76
[19] Gerard Genette : O. C. P.89
Imprimerie SACCO, Toulouse, France,
1983, P. 39 - 40
[21] R. M. Reeve : Carlos Fuentes y el desarrollo
del narrador en segunda persona : un ensayo exploratorio en “Homenaje a Carlos Fente” de Helmy F.
Giacoman, P. 85
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