mercredi 6 mars 2013










Les promesses d’un jeune mathématicien centrafricain

S i la possibilité théorique de reconstruire des images dites « 2D » ou « 3D » de structures anatomiques, en mesurant l’absorption des rayons X par les tissus avant de numériser, par traitement informatique, les données ainsi collectées, a été décrite dès les années 1910, ce n’est pourtant qu’en 1972 que le premier scanner à rayons X a vu le jour. Entre temps, il a fallu en effet qu’émerge l’informatique qui allait permettre le développement des ordinateurs nécessaires au fantastique essor de cette technique d’imagerie, connue également sous le nom de tomodensitométrie. Les recherches que développe actuellement Doriano-Boris Pougaza dans le cadre de sa thèse s’inscrivent dans le prolongement de ces travaux mathématiques sans lesquels les différentes techniques d’imagerie, utilisées en médecine mais aussi dans beaucoup 
d’autres domaines, n’existeraient pas aujourd’hui. 

Qui sait si les équations de ce jeune mathématicien centrafricain ne déboucheront pas à terme sur une nouvelle technologie d’imagerie encore plus performante ?



Doriano- Boris Pougaza
Doriano- Boris Pougaza





























« Il suffit de jeter un oeil sur l’histoire des sciences pour observer qu’il s’écoule souvent beaucoup de temps entre la théorie et l’application, même si cette période a de plus en plus tendance à se raccourcir », note D.-B. 

Pougaza qui rappelle que le principe de la tomodensitométrie repose sur le théorème de Radon qui doit son nom au mathématicien autrichien du même nom (1887-1956). 

Proposé en 1917, ce théorème établit en effet « la possibilité de reconstituer une fonction réelle à deux variables, assimilable à une image, à l’aide de la totalité de ses projections selon des droites concourantes ». Pourtant, il faudra attendre encore 55 ans avant qu’un ingénieur britannique, Sir Godfrey Newbold Hounsfield (1919-2004), développe le premier scanner médical, alors baptisé « scanographe », pour le compte de l’entreprise britannique EMI (Electronical Musical Instrumental) 
pour laquelle il travaille. Le plus curieux est que lorsqu’il conçoit cet instrument, cet ingénieur ignore totalement qu’un physicien sud-africain, Allan MacLeod Cormack (1924-1998), devenu citoyen américain en 1966, a déjà développé les fondements théoriques de la tomodensitométrie. 

Quelques années plus tard, en 1979, ces deux hommes recevront le prix Nobel de Médecine pour « le 
développement de la tomographie axiale calculée ». 

► Retour au pays après un post-doc 
Depuis, les techniques d’imagerie se sont multipliées et n’ont cessé d’évoluer avec les progrès rapides de l’informatique. 

« Cependant, beaucoup de problèmes restent à résoudre pour permettre notamment une meilleure détection. D’où la nécessité d’imaginer d’autres méthodes grâce auxquelles nous pourrons franchir de nouvelles étapes », résume ce doctorant qui termine aujourd’hui sa dernière année de thèse au sein du Laboratoire des Signaux et Systèmes (CNRS/Supélec/Université Paris-Sud 11) où il s’intéresse plus particulièrement à la tomographie, une technologie d’imagerie utilisée dans le médical, mais aussi en géophysique ou dans le domaine des matériaux. 

Un secteur assurément passionnant et très prometteur pour un jeune mathématicien qui a commencé son cursus universitaire dans l’unique université de son pays, l’Université de Bangui. Pays de 4,5 millions d’habitants, la République Centrafricaine ne compte en effet qu’une 
seule université. Pas facile dans ces conditions de se lancer dans des études supérieures, qui plus est scientifiques, y compris parmi les jeunes qui sont motivés. 

« Beaucoup tiennent à faire des études, mais peu en ont l’opportunité. Quant à ceux qui comme moi parviennent à décrocher une maîtrise de mathématiques, les débouchés sont inexistants », explique-t-il. Et pour ceux qui souhaiteraient faire un Master à l’étranger, voire une thèse, cela relève du défi, les obstacles à franchir étant nombreux. « Pour un étudiant qui suit tout son cursus à 
l’Université de Bangui, il est très difficile par exemple de savoir quelles sont les possibilités qu’offrent les coopérations avec d’autres pays comme la France », précise-t-il. 

C’est par l’intermédiaire de l’un de ses professeurs de l’Université de Bangui que D.-B. Pougaza a découvert l’existence de l’African Institute for Mathematical Sciences (AIMS) en Afrique du Sud, situé près du Cap. Fondé en 2003, à l’initiative du cosmologiste sud-africain Neil Turok, cet institut d’enseignement supérieur indépendant, parrainé par plusieurs universités étrangères, dont 
celle de Paris-Sud 11, est financé par le gouvernement sud-africain et des entreprises privées. Ici, des étudiants sélectionnés sur tout le continent africain et pris en charge à 100 % reçoivent une formation scientifique prédoctorale de haut niveau. « Comme j’étais parmi les meilleurs étudiants de l’Université de Bangui, j’ai posé ma candidature et c’est ainsi que j’ai été le premier Centrafricain 
à intégrer AIMS », se rappelle-t-il avec émotion. 
Car pour lui, il s’agissait d’un changement total. 

C’était en effet la première fois qu’il quittait son pays, qu’il prenait l’avion, qui plus est qu’il allait parler l’anglais au quotidien, alors qu’en Centrafrique on privilégie le Sango, la langue locale, et le Français. Là, pendant un an, en compagnie de la « crème » des étudiants africains, il allait pouvoir travailler dans des conditions exceptionnelles. 

« A AIMS, nous étions logés avec les professeurs, nous prenions nos repas ensemble, nous échangions au quotidien, tout cela dans une atmosphère propice à la recherche. Le plus extraordinaire est sans doute la disponibilité de ces professeurs. Ce sont des conditions 
idéales pour travailler », observe-t-il. Il décroche ainsi son Master décerné par l’University of the Western Cape. 

Entre temps, D.-B. Pougaza, par l’intermédiaire d’une représentante de l’Université Paris-Sud 11, en visite à AIMS, a appris qu’il existe des opportunités de faire une thèse en France. Envoi de CV, prise de contact, et c’est ainsi qu’il finit par être accepté au Laboratoire des Signaux et Systèmes. C’est en juillet prochain qu’il doit achever la rédaction de sa thèse, aboutissement de trois années de travail intense. Il lui restera ensuite à la soutenir publiquement avant de se lancer dans des études postdoctorales. 

Certes il souhaite rentrer dans son pays pour essayer d’y initier des projets, mais il estime qu’il doit 
encore parfaire ses connaissances. Une situation à laquelle sont confrontés beaucoup d’étudiants africains qui, après avoir pu bénéficier d’un environnement scientifique de qualité, tant sur le plan humain que matériel, même si leurs conditions de vie ne sont pas toujours au même niveau, doivent retourner dans des pays où les moyens nécessaires à la pratique de la recherche font souvent défaut. « C’est un peu difficile alors de retourner brutalement dans son pays », lâche le thésard centrafricain. 
Pour autant, pas question de ne pas rentrer et de s’installer à l’étranger. « Si tout le monde quitte le pays et ne revient pas ensuite ce sera difficile de le faire décoller », ajoute-t-il. A cet instant il se souvient de quelques-uns de ses professeurs de l’Université de Bangui qui, eux-mêmes, avaient poursuivi des études en France avant de revenir au pays, « pour nous motiver ». 

► Investir prioritairement dans l’enseignement 
Ce jeune mathématicien espère ainsi pouvoir dispenser des cours à l’Université de Bangui, afin de former de futurs enseignants et chercheurs, tout en poursuivant ses travaux en parallèle, même si la recherche en Centrafrique est hélas quasiment inexistante faute de moyens. « Il est indispensable que nous puissions disposer d’accès efficaces et performants à Internet afin de ne pas être 
déconnectés de la communauté scientifique internationale ». Faire de la recherche implique aussi pour les chercheurs centrafricains de pouvoir participer à des conférences internationales mais aussi d’en organiser et d’y faire venir des collègues étrangers. Il est également indispensable de pouvoir publier dans des revues internationales à comité de lecture et d’initier des coopérations avec des équipes étrangères. Autant d’activités qui nécessitent de « travailler dans la tranquillité et de ne pas 
avoir de soucis. Or mon pays est confronté à beaucoup de problèmes relativement préoccupants ce qui empêche les chercheurs de concentrer toute leur énergie sur leurs travaux », indique-t-il. 

Cela dit, D.-B. Pougaza reste optimiste. « Si vous observez l’histoire des grands pays occidentaux, vous verrez que tous ont connu des débuts difficiles avant de pouvoir disposer d’une recherche de qualité. AIMS Afrique du Sud est un exemple dont nous devons nous inspirer si nous voulons être capable de mettre en place un solide outil de recherche au cours des dix ou vingt prochaines 
années ». Dans les « Misérables », Victor Hugo a écrit : « l’homme a un tyran, l’ignorance (…) Ouvrez une école et vous fermerez une prison ». Dans le prolongement de cette « recommandation » si vraie, l’étudiant centrafricain et l’un de ses collègues congolais, qui réalise sa thèse à Londres, prenant la parole le 15 avril dernier, lors d’une conférence de l’Unesco à Paris sur le thème de la science en Afrique, n’ont pas hésité à déclarer : « Si nous pouvions avoir beaucoup de professeurs ce serait mieux que de recevoir des militaires en Afrique. Dans certains pays africains, vous allez trouver beaucoup de soldats. 
En revanche, il n’existe quasiment pas de professeurs, d’ingénieurs ou de chercheurs ». 
Aussi est-il urgent de changer les mentalités en investissant prioritairement dans l’enseignement et en favorisant le partage des connaissances entre les pays occidentaux et les pays en développement. « AIMS Afrique du Sud a montré la voie en réussissant à faire venir en Afrique des professeurs du monde entier, des professeurs qui m’ont permis de grandir dans la recherche », constate D.-B. 
Pougaza. N’était-ce pas l’objectif de Neil Turok qui, lorsqu’il créa AIMS, avait affirmé : « Nous découvrirons une multitude de jeunes Africains dotés d’un véritable génie créatif qui, après leur passage à AIMS, deviendront d’excellents professeurs et chercheurs, capables de produire des avancées révolutionnaires non seulement de la science, mais aussi dans les domaines de l’économie ou de la politique ». La pompe est amorcée. Reste à présent à généraliser cette démarche originale à l’ensemble des pays d’Afrique afin que ce continent puisse à terme montrer son vrai visage, prometteur, au travers des compétences et de la motivation de sa jeunesse.■ 

Jean-François Desessard
journaliste scientifique 

Contact : Doriano-Boris Pougaza 
Courriel : pougaza@gmail.com 
article paru dans La Lettre de la CADE, Ma i 20 1 1 - n ° 1 4 1 
Samedi 18 Juin 2011 - 13:49
Jean-François Desessard

lundi 4 mars 2013









BANGUI : LA GRÈVE DES ENSEIGNANTS VACATAIRES SE POURSUIT

Bangui, 4 mars 2013 (RJDH) – Les enseignants vacataires de l’Université de Bangui qui sont entrés en grève depuis deux semaines ont barricadé le portail du rectorat et certaines salles de classe ce lundi 4 février. Ils réclament du gouvernement le payement de leurs frais de vacations.
Ces enseignants vacataires ont déposé des feuilles de palmiers devant le portail du rectorat et à l’entrée de l’Université de Bangui. Ils ont également chassé les étudiants dans les amphithéâtres.
« Lors de notre rencontre avec le ministre délégué aux finances, ce dernier nous a rassurés que notre frais de vacations se trouvent au niveau du Trésor public. Mais quand nous étions partis là-bas, on était chassé par des militaires comme des animaux sauvages. C’est pour cela que nous avons décidé de bloquer toutes les activités à l’Université », a déclaré un enseignant vacataire qui a requis l’anonymat.
La même source a par ailleurs souligné que les grévistes vont reprendre les cours, que lorsque leur revendication sera satisfaite. « Tant que le gouvernement ne nous verse pas notre argent, nous n’allons pas reprendre les enseignements. Nous allons toujours perturber les activités que ce soit de l’administration ou des étudiants », a-t-elle fait savoir.
Signalant que les forces de l’ordre étaient dépêchées sur les lieux, afin d’intervenir, en cas de débordement.



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